Entre l’annulation de la fiscalité du gazole non routier (GNR) et des mesures de simplification, les mesures gouvernementales pour calmer la révolte agricole interpellent le monde du BTP. La Capeb, la FFB et la FNTP n’ont pas manqué d’afficher, ou plutôt réitérer, leurs revendications.
C’est une colère sociale qui part des Pays-Bas pour embraser toute l’Europe. Embraser est le mot quand on regarde la France : des autoroutes bloquées, des toits de supermarchés s’affaissant sous le poids du lisier, mais aussi des bâtiments incendiés, comme celui de La Mutualité sociale agricole à Narbonne (Aude).
Bref, la révolte des agriculteurs n’est pas prête à s’éteindre. La mobilisation du monde agricole français se poursuit encore en ce début de semaine, malgré les « mesures concrètes » annoncées vendredi par le Premier ministre Gabriel Attal à Montastruc-de-Salies (Haute-Garonne).
Parmi ces mesures : la suppression de la fiscalité sur le gaz non routier (GNR) agricole. Pour information, les agriculteurs pouvaient, sur demande, recevoir un remboursement partiel de la Taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TIPCE). « À la fois on revient sur la trajectoire de hausse qui était prévue et on vous fait la remise immédiatement à la pompe » , a promis M. Attal.
Une double-mesure qui n’a pas manqué d’interpeller, notamment dans le secteur du BTP, aussi soumis à cette hausse fiscale.
Éviter une fiscalisation à plusieurs vitesses
Côté Fédération Française du Bâtiment (FFB), on « prend acte des annonces sur le GNR agricole ». Et d’ajouter : « Il n’y a pas de raison que les artisans et entrepreneurs du BTP soient traités différemment. La FFB demande l’annulation de l’augmentation des taxes sur le GNR ».
Même son de cloche du côté de la Confédération de l’artisanat et des petites entreprises du bâtiment (CAPEB) : « Il serait incompréhensible et injuste que le secteur du BTP ne bénéficie pas de cette mesure et paye seul le prix de la sortie des énergies fossiles », estime l’organisation.
« En effet, la trajectoire de hausse progressive du gazole non routier qui avait été décidée au quatrième trimestre 2023 trouvait sa justification dans notre capacité collective à relever les défis environnementaux et énergétiques », poursuit la CAPEB, tout en soulignant le manque d’alternatives pour les engins de chantiers.
« Les 620 000 entreprises artisanales du bâtiment ne peuvent entendre que 400 000 entreprises agricoles soient privilégiées sous prétexte qu’elles aient engagés un rapport de force contestataire aussi justifié soit-il », conclut la confédération représentant l’artisanat du bâtiment.
Sans surprise, le secteur des travaux publics, particulièrement concerné par cette fiscalité, n’a pas manqué de s’exprimer sur cette décision : « Nous prenons acte de l’annulation de la suppression du GNR pour le monde agricole. Les travaux publics doivent bénéficier de mesures fortes sur le GNR. Une différence de traitement entre deux secteurs qui subissent des charges et contraintes communes serait inacceptable », a notamment réagi la Fédération Nationale des Travaux Publics (FNTP) sur X.
Des mesures de simplification à déployer aussi dans le bâtiment
« Nous saluons les annonces du Premier ministre concernant les mesures de simplification pour le monde agricole et nous lui demandons de faire du mois de février le mois de la simplification en France, dans le prolongement des rencontres de la simplification auxquelles les artisans du bâtiment ont largement contribué », indique en parallèle la CAPEB.
Il faut dire que les petites entreprises du bâtiment sont sensibles à ce que vivent les agriculteurs. Tout autant que l’ensemble des TPE en France. « Cette catégorie de professionnels sait parfaitement ce que signifie travailler 50 heures par semaine pour gagner moins d’un SMIC mensuel pour près de la moitié d’entre eux », rappelle Marc Sanchez, secrétaire général du Syndicat des Indépendants et des TPE (SDI).
« Ils vivent le poids des charges sociales et fiscales qui augmenteront encore prochainement avec le relèvement de la taxe sur l’électricité. Face aux boulangers, professionnels du bâtiment, taxis, routiers, … qui apportent leur soutien au mouvement des agriculteurs sans nécessairement s’y inscrire pour l’heure, le SDI en appelle à des prises de décisions urgentes pour soulager la trésorerie de nos TPE. Ou doit-on appeler à la mobilisation nous aussi ? », abonde-t-il.
Virginie Kroun